Une plongée dans le Maelstrom (suite)

Messages : 78 Date d'inscription : 08/06/2015 Age : 45

L'Elfe ouvrit lentement ses paupières endolories, gardant les sourcils froncés sous l'intensité de la lumière. Le chaos de la tempête et les murs d'eau dantesques avaient laissé place à une mer apaisée, qui scintillait sous un soleil de plomb.

Du fier navire de la Confrérie, il ne restait que quelques poutres éparses et morceaux de bardage fracassé. Ils flottaient maintenant à bonne distance des maigres planches où Ehrendil avait trouvé le salut, la veille.

"Dans quelques heures, tout sera dispersé par le courant",
pensa-t-il, saisit par la perspective de perdre de vue les autres rescapés du désastre.

Le ménestrel essaya de rassembler ses pensées, mais une douleur vive sur sa tempe droite lui rappela brutalement le sens des priorités... les planches étaient à présent maculées de son propre sang.

Il comprima la plaie qui saignait encore, à demi coagulée, puis entreprit de faire un bandage en déchirant une partie de sa chemise, où du moins ce qu'il en restait.

Une fois la blessure à peu près sécurisée, il passa de longues minutes à appeler et à crier le nom de ses compagnons, tout autour de lui.

"Ailynn !"
Est-ce qu'elle avait pu s'en sortir ? Reverrait-il seulement un jour la femme qu'il aimait ?

"Aerrion !"... Ce fier capitaine Nuien, qui avait su guider la confrérie dans les moments les plus difficiles, quel était son destin à présent ?

Ses appels restèrent vains. Seule une brise légère, qui montait du sud, semblait répondre à ses appels. Il finit par se résigner et s'affaler sur le bardage qui flottait bon gré, mal gré, et entreprit de se protéger du soleil brûlant, à l'aide d'une planche qu'il disposa de biais.

Il scrutait l'horizon de son regard précis d'elfe. Sa hantise était à présent de croiser une méduse, où une puce de mer géante, dans cet état de faiblesse. La seule arme qu'il avait pu sauver était une petite dague elfique, attachée à sa botte... Une défense quelque peu dérisoire face aux créatures marines qui hantaient les profondeurs de cet océan, songea t-il, esquissant un sourire désabusé.

Plusieurs fois, il tenta de prononcer les incantations du sortilège de Rappel. Mais à chaque tentative, l'énergie dans ses veines s'étiolait, et les quelques étincelles naissantes du portailleurs disparaissaient dans le vent...

Deux journées s'écoulèrent ainsi, si lentement que le temps lui semblait plusieurs fois suspendu.
Après la perte de ses compagnons, la soif était sans doute le tourment le plus cruel. Tant d'eau autour de lui, et l'impossibilité d'en boire... Il se prit à rire de l'absurdité de sa situation, avant de sombrer à nouveau dans une profonde mélancolie .

Petit à petit les forces de l'elfe l'abandonnaient.
Il songea un instant qu'il serait sans doute plus facile de ne plus lutter.
Basculer dans l'eau, pour rejoindre ses compagnons dans le linceul de la déesse des océans...

C'est à ce moment qu'il aperçut un point blanc, à l'horizon.
Il se concentra pour être certain de chasser toute illusion de son regard.
Mais non... c'était bien la voile tendue d'un navire, au loin !

Une plongée dans le Maelstrom (suite) Deep%20blue%20sea

Sa volonté ravivée par cette vision providentielle, il entreprit de faire de grands signes en direction du navire.

C'est le moment que choisit une Méduse Dorée, pour émerger hors de l'eau, et gonfler ses poches d'acide, juste entre l'embarcation de fortune d'Ehrendil, et le trimaran approchant d'Edelween...

Messages : 20 Date d'inscription : 07/08/2015

La mer était calme, seule une légère brise venant caresser les flots. Il était difficile d'imaginer la férocité avec laquelle les éléments s'étaient déchaînés en ces lieux quelques heures auparavant. De la furieuse tempête ne restait pour seules traces que quelques planches éparses, arrachées à ce qui devait être autrefois un fier navire. Des bouts de bois, et une silhouette égarée. L'homme reposait sur la roue d'un gouvernail en piteux état. Des cordes savamment nouées liaient ses mains à celui-ci, et ses vêtements lacérés en disaient long sur ce qu'ils avaient subi. Il gisait ainsi, plongé dans l'inconscience, perdu dans l'immensité de la Mer d'Arcadia...

*
* *

Debout à la proue du Cotre eznéen, sa main gantée de cuir reposant sur la garde de son katana, Aerrion observait la vue qui s'offrait à lui. C'était pour lui une vision étrange, à la fois des plus familières et troublantes. Cinq mois seulement s'étaient écoulés depuis le départ de leur expédition vers le Continent Perdu. Pourtant, le port qui avait été autrefois son foyer semblait avoir bien changé. Tout comme lui.

Une magnifique statuée dédiée à la Protectrice de la Cité, Ezi, avait été édifiée à l'entrée du port, sa lumière offrant aux navires en partance la bénédiction de la Déesse. Presque machinalement, son regard pers se porta vers les falaises du Stigmate de la Guerre. Son cœur se serra. En lieu et place du Comptoir des Jades qui dominait auparavant la baie se dessinaient les silhouettes caractéristiques de fermes...

La ruine de leur expédition avait signé la fin de la Confrérie. Les Trieste en avaient aussitôt profité pour faire main basse sur le village de Plongesable, revendant les terres si durement acquises aux plus offrants. Quant aux fermes de Gweonid, les Elfes semblaient n'avoir rien à envier à la cupidité des maisons humaines. Mais, au-delà de la perte des biens matériels, le plus dur à accepter était la disparition de ses compagnons, de ses amis. Combien avait disparu dans cette folie ? Combien l'avait suivi en toute confiance ? Surtout... Comment avait-il ainsi pu les conduire vers un destin si funeste ?

Le Nuien lâcha un lourd soupir. Une nouvelle fois, le Destin semblait lui avoir joué un tour des plus retors. Une nouvelle fois, la roue avait tourné et le malheur avait frappé. Mais un étrange feu brasillait dans ses prunelles aux reflets bleu-vert. Ces derniers mois l'avaient forgé en un homme nouveau, et il savait désormais que ce que beaucoup appelaient Destin n'était finalement qu'une excuse...

Sa dextre se porta à la broche qui ornait sa cape grise, seul ornement qui attestait de son appartenance à la Garde Pourpre. Il la retira, songeur, avant de la glisser dans l'une des sacoches pendant à sa ceinture. Un léger sourire se dessina sur ses traits. Décidément, ombres et secrets auraient sans doute été la seule constante de son existence. Et cela était loin de lui déplaire...

Messages : 19 Date d'inscription : 04/08/2015

*Pourquoi ? Pourquoi faut-il que ça nous tombe dessus maintenant... ? *

Caelerys, accrochée fermement au cordage du mât principal, subit comme ses compagnons une mer déchaînée, un vent venu tout droit des enfers venant d'ailleurs de déchirer la grande voile. Une pluie violente et battante s'ajoutant à la puissance des vagues monstrueuses qui frappent le pont et ses occupants, réduisant énormément la visibilité. Le bruit assourdissant de la tempête couvre les cris de l'équipage ainsi que les ordres du capitaine Aerrion, ce dernier, attaché à la barre, donnant tout son possible pour sauver la situation.

L'aventurière observe, impuissante et terrifiée, la colère des éléments, la coque qui se fissure inexorablement quand tout à coup, le bateau semble tanguer fortement de bâbord. Un maelstrom se dessine alors sous les yeux terrifiés des compagnons de Jade, voilà ce qui leur servira de tombeau, un tourbillon géant engloutissant tout ce qui rentre dans son ballet mortel dans les profondeurs abyssales. L'elfe tente alors d'avancer vers le Capitaine, mais elle a tôt fait de se raviser après avoir glissé sur la passerelle du cotre et manqué de peu de basculer dans l’abîme.
Ses mâchoires se crispent violemment tout à coup, un grincement puis un craquement violent au dessus d'elle et c'est la vergue du grand mât, brisée en deux qui tombe sur le pont roulant vers les flots et heurtant la tête de Caelerys dans sa chute...

* * *

Le silence... L'obscurité...

Un goût de fer et de sel dans la bouche... Le flou d'un visage aux cheveux auburn... Du sable... Le froid... Puis de nouveau l'obscurité.

* * *

Les rayons du soleil percent à travers la petite ouverture de la toile de tente, frappant le visage en éveil de l'elfe rescapée. Elle pose une main sur la tête, l'esprit encore embrumé, tout en se redressant doucement. * Toujours le même cauchemar depuis des mois... Et rien de plus ne me revient...*

Les aventuriers des deux continents s'affairent sur ces côtes, les gardes de chaque camps veillant à la sécurité de leurs ressortissants., l'Elfe, après s'être équipé avec ce qui lui reste de protections, sort de sa tente tout en saisissant la longue lame elfique qu'elle réussi à forger un mois auparavant avec le prêt généreux d'une forge, par son propriétaire Manon. Forger et se battre pour vivre, c'est bien ce qu'elle fait depuis tout se temps, se battant pour elle ou pour d'autre. Les marchands du camps la connaissent bien désormais, elle discute régulièrement avec eux, les aidant et partageant le repas.
Et c'est bien souvent, assise sur une chaise, près du feu mourant au creux de la nuit, que Caelerys sort de son escarcelle durcie par l'eau de mer, une vieille broche ternie, dont les couleurs de jade et d'or devaient-être chatoyantes, avant... Avant que l'océan n'emporte tout.

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