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 Les Contes de Grism

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Trystiel




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MessageSujet: Les Contes de Grism   Les Contes de Grism EmptySam 12 Sep - 11:09

Les Contes de Grism Foretn10

Il est des hivers qui demeurent gravés dans les mémoires. De ces hivers où le froid et l'humidité vous transpercent jusqu'aux os. Où le soleil lui-même ne semble plus à même de vous réchauffer. Ainsi en était-il lors de la découverte de Grismantel...

La neige avait recouvert de son blanc manteau le Royaume des Deux Couronnes. Mais la beauté immaculée de celle-ci n'en rendait pas le climat moins mortel. Le gibier se faisait rare, les loups sortaient des forêts en quête de nourriture. Et de bien pires prédateurs agissaient de même. Les Citoyens d'Ezna eux-même subissaient les affres et les rigueurs de cet hiver. Mais eux ne mourraient pas de froid comme leurs serfs, véritables esclaves contraints à travailler quoi qu'il arrive pour subvenir aux besoins de la Capitale.

Aedred n'était ni un Citoyen, ni un Serf. Il était de ces nombreux habitants des Deux Couronnes qui, n'étant pas de sang pur, ne pouvait prétendre à la citoyenneté mais parvenait tout de même à payer ses taxes et ainsi échapper au joug du servage. Des taxes qui, malgré la rudesse du climat, devaient être réglées. Aussi chevauchait-il en ce jour de grisaille où le froid semblait peut être un peu moins vif, en quête d'un éventuel gibier. Rare, la viande se vendait d'autant mieux par ces temps de disette.

Un spectacle inhabituel attira l'attention de son œil acéré. Tirant légèrement sur l'une des rênes, il dirigea son alezan vers l'une des nombreuses statues de Nuia qui parsemait les paysages du continent et au pied de laquelle gisaient plusieurs silhouettes. Nul mouvement , nul son, ne semblait indiquer un éventuel survivant. Ce qui n'était sans doute pas plus mal, se dit-il lorsqu'il fut assez près pour constater que les corps étaient ceux de quatre combattants. Leurs armes gisaient dans la neige, rendue pourpre par leur sang. Leurs armures et leurs lourds manteaux n'arboraient guère de marque distinctive. Des mercenaires, sans doute ? Plus étonnant, une boule de poils sombre était nichée tout contre la statue.

Au vue des traces laissées dans la neige, il était difficile de deviner ce qui s'était réellement passé et qui avait combattu qui. Les hommes s'étaient visiblement affronté jusqu'à la mort, sans qu'aucun ne l'emporte réellement sur les autres. La mort semblait la seule à être sortie victorieuse de la mêlée féroce qui s'était déroulée en ces lieux.

Aedred mit pied à terre, tirant son long couteau du fourreau qui pendait à sa ceinture. Il s'approcha de la statue, quelque peu étonné du spectacle pour le moins curieux qui s'offrait à ses yeux : le corps d'un loup de grande taille, roulé en boule comme pour se protéger du froid. Mais que faisait-il ici ? Pourquoi être ainsi resté à la merci des éléments ? Sans nul doute les mercenaires l'avaient-ils blessé ? Pourtant, la neige semblait immaculée. L'homme rengaina sa lame pour s'agenouiller près de la bête, plus intrigué qu'apeuré. Il ne put pourtant retenir un léger hoquet de surprise face à ce qui l'attendait.

De ses mains gantées de cuir, il dégagea délicatement le vêtement gris que le loup – une louve, en fait – avait semblait-t-il protégé jusqu'à son dernier souffle, révélant par la même occasion la blessure que l'animal avait au flanc. Sans perdre un instant, et sans même réfléchir, le chasseur glissa la lourde cape et son précieux contenu contre lui, sous son propre manteau. De l'index, il écarta légèrement l'un des pans du vêtement pour mieux voir. Deux prunelles perses, claires comme de l'eau, lui rendirent son regard. Avant que le nouveau né ne lui adresse un sourire qui, à défaut de faire fondre la neige, fit fondre son cœur.
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Trystiel




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MessageSujet: Re: Les Contes de Grism   Les Contes de Grism EmptySam 12 Sep - 11:13

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    « Grismantel ! Arrête de bailler aux corneilles et au boulot si tu ne veux pas tâter du bâton ! »


Courbant les épaules, l'interpellé obtempéra et accéléra la cadence malgré l'épuisement. Il chargea deux nouvelles planches sur son épaule pour les apporter à l'atelier. Ses muscles lui faisaient atrocement mal mais il savait qu'il devait passer outre. Ou il souffrirait bien pis lors de la correction que son maître ne manquerait pas de lui infliger. Cela faisait plus de trois ans désormais qu'il était l'apprenti de ce fier menuisier d'Ezna. Citoyen de la Cité et artisan renommé, Maître Vatel était fier, brutal et fort prompt à corriger ses apprentis.

En temps normal, jamais son statut ne lui aurait permis de demeurer plus d'un mois dans l'enceinte de la Cité. Mais son maître avait quelque influence et son jeune âge rendait la tâche plus aisée. La vie au grand air lui manquait cruellement, et il se sentait quelque peu écrasé par les hauts murs ceignant Ezna. Il lui arrivait parfois de s'échapper quelques heures, renonçant à un repos des plus salvateurs simplement pour pouvoir observer la vue qui s'offrait à son regard clair depuis les remparts.
Les Contes de Grism Ezna110

Au début, ses yeux pers n'avaient de cesse de contempler les vastes plaines et forêts qui s'étendaient à l'Ouest. Il y avait tant d'heureux souvenirs. Tant de précieux instants qu'il conservait et chérissait dans sa mémoire. Et qui l'aidaient à supporter sa nouvelle condition. Son père adoptif, Aedred, l'avait élevé comme s'il avait été son propre fils. Son épouse, Luciane, avait quant à elle toujours conservé une certaine froideur à son égard. Elle avait de l'affection pour lui, bien sûr. Mais au fond d'elle même, sa préférence allait tout naturellement à ses propres enfants.

Ils l'avaient nommé Aerrion, mais la plupart des gens du village le surnommaient Grismantel, en référence au vêtement dans lequel il avait été trouvé. Il avait eu de la chance d'être recueilli au sein de cette famille, il en était bien conscient. Luciane lui avait enseigné à lire, à écrire et même quelques notions d'histoire et de mathématiques. Quant à Aedred, il l'emmenait souvent en forêt pour chasser, cueillir ou même l'aider à abattre des arbres.

Mais la roue finit toujours par tourner, comme il devait malheureusement en faire l'expérience à de trop nombreuses reprises. Aedred ne revint pas de l'une de ses chasses. Des renards garous avaient eu raison du traqueur, mettant en péril le sort de la famille. Il était une bouche supplémentaire à nourrir, et à douze ans il était en âge de débuter un apprentissage. C'est ainsi qu'il fut confié aux « bons » soins de Maître Vatel, un client régulier de son père adoptif.

Les années passant, son regard s'était tourné vers le port et, au-delà, vers l'Océan. Une folle impression de liberté s'offrait à ses yeux pers à chaque fois qu'il se posait sur la ligne d'horizon. Au fond de lui, il rêvait de découvrir ce qui s'étendait au-delà. Et il savait qu'un jour, il y parviendrait. Ces moments de paix ne duraient guère. Il lui fallait rentrer avant que l'on ne s'aperçoive de son absence. Prendre garde à n'éveiller personne, ou ces sorties nocturnes lui vaudraient une bonne volée de coups. Au mieux.
Les Contes de Grism Ezna210

Son sort aurait pu être pire. Il s'était découvert une véritable passion pour le travail du bois, tirer du matériau brut des formes, des objets. Il avait souvent l'impression que la forme existait déjà dans le bois, avant même qu'il ne la travaille. Tant et si bien qu'il ne faisait que la révéler au grand jour. Son apprentissage couvrait aussi l'ingénierie qui, si elle lui était bien moins naturelle, l'intéressait grandement. Un équilibre précaire s'était ainsi instauré dans cette nouvelle existence.

D'un côté les mauvais traitements, la rudesse et le mépris de son Maître. De l'autre... l'apprentissage d'une passion. Mais, de même que la roue est amenée à tourner, un équilibre précaire vient souvent à être brisé.

Il posa les planches dans l'atelier, se redressant avec peine. La nouvelle apprentie de Maître Vatel lui tendit une cruche d'eau, dont il s'empara non sans une certaine avidité. Il en but une large rasade avant de la reposer sur l'établi, s'essuyant les lèvres de sa manche. De deux ans sa cadette, elle était arrivée depuis quelques jours à peine et n'avait pas encore perdu son sourire si innocent. Un sourire qu'elle lui adressa en cet instant.

    « J'vous y prends à feignanter ! Maudits bons à rien ! »

Il ne l'avait pas vu venir. Leur Maître venait de débouler dans l'atelier et poussa sans ménagement la jeune fille. Elle trébucha, sa tête allant heurter l'établi dans un bruit sourd. Tombant sur ses genoux, elle ne poussa pas même un cri. Vatel l'empoigna par le bras, la tirant violemment pour la relever sous le regard d'Aerrion. Sa main se leva, se préparant à frapper. Comme souvent, il déchaînait sa violence sans raison aucune, sans même avoir besoin d'un prétexte pour ce faire. Juste parce qu'il le pouvait.

Les yeux pers se firent de glace. Sans avoir réellement la conscience de ce qu'il faisait, il s'empara d'un couteau à bois. La lame pénétra les chairs de l'homme avec une facilité des plus déconcertantes. Le citoyen se tourna vers son apprenti. Stupéfaction et colère s'entremêlaient dans ses prunelles avant qu'elles ne se voilent définitivement. Il s'écroula, son sang se répandant sur le sol de l'atelier. Sidéré par sa propre action, Grismantel se sentait comme tétanisé. De nombreuses émotions le submergeaient et il sentait venir une remontée de bile.

    « Cours ! »

La voix de la fille le ramena à la réalité. Prenant enfin conscience de la situation, il fila aussi vite qu'il le pouvait, oubliant l'épuisement et la douleur de ses muscles. Il courut. Sans s'arrêter. Sans réfléchir. Jusqu'à faire face à cette vue si familière. Si apaisante. Mais, cette fois, il n'était plus question de rentrer à l'atelier...
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Trystiel




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MessageSujet: Re: Les Contes de Grism   Les Contes de Grism EmptySam 12 Sep - 11:22

*
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Le Port d'Ezna était en proie à son agitation coutumière. Les navires à quai chargeaient et déchargeaient leurs cargaisons, certaines provenant de destinations exotiques et empreintes de mystère telles Villanelle, Solis, ou même Ynystère. Malgré la guerre opposant les deux continents, il n'était pas rare que des négociants bravent les dangers d'une telle traversée au profit d'importants bénéfices. Aussi importants que les risques encourus.

Adossé au mur de l'un des magasins proche des quais, Aerrion observait la scène avec attention, son regard acéré en quête d'une éventuelle proie. Presque machinalement, il taillait ce faisant un morceau de bois, sa dague révélant peu à peu une tête de loup. Cinq années s'étaient écoulées depuis sa fuite de l'atelier. Cinq années qu'il n'était plus qu'un fantôme aux yeux des autorités de la Cité. L'avis de recherche le concernant avait disparu depuis bien longtemps et, de toutes façons, il aurait été fort difficile de reconnaître en l'homme d'aujourd'hui l'adolescent de l'époque.

Contraint à la fuite, il avait trouvé refuge dans les bas fonds de la Cité, survivant tant bien que mal parmi la lie des Deux Royaumes. La faim l'avait poussé à son premier vol. Une tarte au fumet si appétissant, laissée à refroidir sur le rebord d'une fenêtre. Un véritable pousse au crime. Ce premier larcin ouvrit la porte à bien d'autres. De nombreuses bourses passèrent ainsi entre ses mains, à l'insu de leurs malheureux propriétaires. Il s'était découvert un véritable don pour se fondre dans les ombres, courir sur les toits et accéder aux endroits les plus incongrus. Avec les années, il avait gagné en hardiesse, abandonnant ces menus larcins au profit des demeures des Citoyens. Ses visites nocturnes s'avéraient bien plus profitables, et il avait même son propre chez-lui : la soupente d'une des tavernes du port. Luxe s'il en était, un interstice dans la toiture lui permettait de profiter de la vue sur la mer... et de l'eau courante lorsqu'il pleuvait.

Ce n'était pas son seul moyen de gagner de l'argent. Ses poings lui étaient aussi fort utiles. Pour divertir des Citoyens en mal de sensations fortes, des combats clandestins étaient régulièrement organisés et faisaient l'objet d'importants paris. Les combattants ne touchaient qu'une petite partie de l'argent ainsi mis en jeu, mais les sommes conséquentes engagées leur permettait des gains non négligeables. Connu sous le nom de Grismantel, il s'était fait une petite réputation dans ce milieu, et bon nombre d'adversaires avait appris à leurs dépens combien sa droite pouvait être redoutable.

Mais ses pas le ramenaient encore et toujours au port. Il y passait des heures à regarder les navires, avec au fond de lui l'espoir de mettre un jour le cap vers cette ligne d'horizon qui le défiait depuis son enfance. Il s'intéressait tout particulièrement aux trimarans, dont la maniabilité lui donnait un sentiment de liberté d'autant plus grand. Combien de fois s'était il imaginé chevaucher les vagues à la barre de son propre vaisseau ?

Un éclat de flamme attira l'attention de son regard pers. Une longue chevelure rousse, sur laquelle un rayon de soleil s'était attardé. Une jeune fille, apprêtée avec élégance mais sobrement, était accrochée au cou de son père : un homme de haute taille et aux épaules larges qui la soulevait avec la plus grande facilité. Le duo échangea quelques mots, avant de s'éloigner du navire près duquel ils se tenaient : l'Amelia, un splendide cutter eznéen taillé pour la Course. Le capitaine marchand – sans doute mâtiné de corsaire à en croire le vaisseau qui était sien – arborait à sa ceinture une longue rapière mais, surtout, une bourse semblant bien rebondie.

Grismantel rabattit sur ses traits son capuchon. La cible était des plus tentantes, aussi se mit-il à les filer. Son regard acéré ne tarda pas à remarquer que sa proie avait attiré d'autres prédateurs. Les gains réalisés par les marchands au retour de longues traversées attiraient bien des convoitises, et au fond de lui il n'aimait guère s'en prendre à ces aventuriers qui osaient braver l'océan. Le rire cristallin de la jeune fille parvint à ses oreilles. Étais-ce vraiment la bourse qui l'intéressait ?

L'étau se resserrait lentement sur sa cible. Sans doute attendraient-ils qu'ils s'éloignent de l'agitation des docks. Ils ne semblaient guère du genre à ne pas user de la force pour parvenir à leurs fins, et il y avait bien trop de témoins par ici. Il fallait agir vite, ou son butin lui échapperait à coup sûr. Le voleur accéléra donc le pas. L'étal d'un fleuriste. Une rose disparu du bouquet où elle était présentée. Il dépassa le couple, s'arrêta quelques instants, revint sur ses pas. Son épaule heurta le corsaire, qui recula d'un pas, la main sur la garde de son épée.

Le jeune homme s'inclina légèrement dans leur direction, un sourire amusé flottant sur ses lèvres. Il tira de sous son manteau gris la rose subtilisée un instant plus tôt, la présentant à la jeune femme.

    « Veuillez me pardonner, la beauté de votre fille m'avait quelque peu distrait. Prenez ceci, en guise d'excuses...
    - Tu ne manques pas d'audace, l'ami. Ma fille n'accepte pas les cadeaux des étrangers. Allez maintenant, file. »

Les deux hommes faisaient approximativement la même taille. Le Capitaine détailla son interlocuteur, dont le visage incliné était dissimulé par la capuche. Ses yeux clairs s'attardèrent un bref instant sur l'armure de cuir et les dagues qui pendaient à sa ceinture. Sa fille prit la rose, humant son parfum sous l’œil désapprobateur de son père.

    « Merci beaucoup. Père, nous allons être en retard. Bonne journée, Monsieur.
    - Grâce à vous elle sera excellente. Capitaine. Demoiselle. Puisse Iji vous sourire... »

Grommelant dans sa barbe, l'homme se remit en marche, sa fille à son bras. Grismantel fit de même dans la direction opposée, un fin sourire se dessinant sous la capuche. Sa main palpa la bourse bien rebondie qu'il portait à présent. A en juger par le poids, son contenu lui garantissait de tenir plusieurs semaines à l'abri du besoin. Mais quelque chose le poussait à se retourner. A quoi bon ? Il fit encore quelques pas, avant de finalement regarder en arrière, à l'instant où l'éclatante chevelure rousse disparaissait dans une ruelle. Deux silhouettes masquées s'engouffrèrent à sa suite. Et à n'en pas douter, leurs complices étaient déjà de l'autre côté...
Les Contes de Grism Rousse10

Grismantel lâcha un soupir résigné avant de rebrousser chemin. Les choses n'auraient elles pas pu être simples, pour une fois ? Des plus prévisibles, le scénario était bien entamé lorsqu'il parvint dans la venelle. Le capitaine avait adossé sa fille à l'un des murs et se tenait devant elle, sa rapière à la main, pointée vers le sol. Quatre hommes lui faisaient face, armés de poignards et de matraques. Des armes bien plus pratiques dans cet espace étroit, où la longue lame du marin risquait de le gêner plutôt que de lui donner le bénéfice de l'allonge.

L'un des criminels avança d'un pas. Il s'arrêta net, se tournant vers l'entrée de la ruelle d'où le nouveau venu sifflait l'air d'une vieille comptine tout en marchant dans leur direction, le pas tranquille. Jurant, il se dirigea vers lui, l'un de siens sur ses talons tandis que leurs deux compagnons se chargeait du marin.

Le voleur plongea ses mains sous son manteau, dégainant lentement ses dagues tout en avançant. Il se préparait au combat, chaque pas le rapprochant un peu plus de l'état de transe qu'il visait. Son regard pers se faisait de plus en plus acéré. Ses oreilles étaient à l'affût du moindre son, jusqu'au bruit de succion que ses bottes faisaient en s'enfonçant dans la boue de la ruelle pour le moins mal famée. Il se redressa légèrement, ses yeux plongeant dans ceux de ses opposants. Des durs à cuir qui en avaient sans doute vu bien d'autres. Ses paupières se fermèrent un bref instant tandis qu'il s'ouvrait aux ombres. Il les rouvrit un instant plus tard, ses adversaires médusés observant le vide devant eux.

Ses lames frappèrent sans attendre le dos du combattant le plus proche, lui arrachant un cri de surprise et de douleur. Déjà, il entendait derrière lui le choc du métal contre le métal. Le Capitaine était entré en lice. Mais il avait fort à faire de son côté, et guère le temps de s'en préoccuper. Si l'un de ses adversaires gisait déjà au sol, le second lui faisait face et ne semblait guère disposé à se laisser faire. L'homme arma sa matraque. Grismantel bondit. Ses lames entrèrent en action, traçant des arabesques dans les airs. Mais chacun de ses coups ne rencontrait que le vide. Rapide, le bandit esquivait sans cesse, reculant pour mieux éviter ses dagues. Puis il cessa de reculer, brisant le rythme du combat. Emporté par son élan, le jeune homme ne put éviter à temps le furieux coup de massue. Un craquement sinistre lui annonça qu'au moins une de ses côtes n'avait pas supporté le choc.

Le souffle court, il recula d'un pas. Le criminel en profita pour prendre l'avantage, enchaînant les assauts. C'était au tour de Grismantel de reculer, luttant à la fois contre la douleur et la menace de cette matraque un peu trop bien maniée. Une habile feinte de son adversaire lui valut de sentir à nouveau la caresse de son arme. Son bras gauche avait cette fois réussi à amortir quelque peu le coup, mais la douleur lui avait fait lâcher sa lame. Il sourit. Un sourire qui déstabilisa un bref instant son ennemi. Il lança sa dague dans les airs. Une attaque inutile, mais qui était suffisante pour le distraire. Son poing droit frappa de toutes ses forces la mâchoire de l'homme. Un craquement sinistre se fit entendre. Le second brigand s'écroula au sol, rejoignant son camarade dans la boue de la venelle.

    « Bien joué, mon gars. Et merci pour le coup de main. »

Le souffle court, le jeune homme se retourna. Force était de constater que l'étroitesse de la ruelle n'avait pas gêné le Capitaine comme il l'avait supposé de prime abord. Du moins à en croire les deux cadavres qui gisaient à ses pieds. Guère effarouchée en dépit des circonstances, sa fille s'approcha de Grismantel. Un sourire des plus charmeurs ourla ses lèvres. Un instant, le jeune homme crut se perdre dans la clarté de ses prunelles azuréennes. Elle tendit la main dans sa direction, paume ouverte.

    « Je crois que vous avez quelque chose appartenant à mon père ? »

Interloqué, le voleur décrocha la bourse pendant à sa ceinture presque machinalement, avant de la poser dans la main de la jeune fille. Le Capitaine partit d'un grand éclat de rire, étonnamment chaleureux. Pris d'un vertige soudain, le jeune homme prit appui contre l'un des murs.

    « Pas à dire, tu ne manques pas d'audace mon garçon. Allez, viens avec nous, ma femme va s'occuper de tes blessures. Pour avoir 'sauvé' nos vies et ma bourse, l'on te doit bien un bon repas... »

Une étrange vague de chaleur étreignit Grismantel, tandis qu'il plongeait dans les brumes de l'inconscience...
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Trystiel




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MessageSujet: Re: Les Contes de Grism   Les Contes de Grism EmptySam 12 Sep - 11:26

*
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La jeune fille défiait vaillamment l'océan, vague après vague. Sa fine silhouette à l'apparence si frêle dégageait une puissance et une énergie presque palpables. Ses longs cheveux encadraient un visage doux, presque serein. Elle semblait littéralement chevaucher l'écume, un sourire éternellement figé sur ses traits par celui qui l'avait sculpté dans le bois de la figure de proue.

Sur la dunette arrière, le Capitaine buvait lentement son thé, son regard azur tourné vers l'horizon. Un fond de rhum agrémentait la boisson. Un plaisir rare qu'il s'autorisait uniquement à présent qu'ils arrivaient à destination. L'alcool et les marins faisaient rarement bon ménage, aussi interdisait-il l'alcool à bord, sauf pour raisons médicales bien entendu. L'Amélia allait bon train, porté par des vents favorables.

Un souffle brutal. Un sifflement aigu. L'homme sursauta, répandant le liquide ambré sur sa veste.

    « Le p'tit enfoiré !
    - Bon vent, Capitaine ! »

Le rire de l'homme retentit tandis que déjà le planeur s'éloignait de la poupe du fier cutter eznéen. Un sourire radieux éclairant son visage, Aerrion vira sur la gauche, longeant la coque du navire. La sensation de liberté qu'il éprouvait en cet instant étant sans commune mesure. Survolant les vagues, il se laissait fouetter par les embruns, riant de plus belle.

Son regard acéré se porta sur le port désormais si proche. Il déplaça le poids de son corps, manœuvrant avec une habileté née d'années de pratique. L'appareil répondait à merveille, ses formes élancées permettant les acrobaties les plus folles. Surtout lorsque celui qui le maniait était si... casse-cou, se plaisait à dire le Capitaine ? Aventureux, l'aurait corrigé sa fille. Aerrion replia les ailes à l'instant même où ses pieds foulaient le pont du navire. Dans le même mouvement, il se dirigea vers la dunette arrière où son beau-père, dont les prunelles azuréennes étaient le théâtre d'un curieux conflit entre colère et amusement, l'attendait.

Dix années s'étaient écoulées depuis leur première rencontre, dans une ruelle du port d'Ezna. Orphelin, Aerrion avait fini par trouver une famille mais aussi, et surtout, sa place. Le Capitaine l'avait pris sous son aile, l'embarquant à bord de l'Amélia comme simple matelot. Année après année, l'homme lui avait transmis ses connaissances tant dans l'art de la navigation que de l'escrime. Ils partageaient un même amour tant pour la mer que pour sa fille, ce qui les avait rapproché au point que le mentor était devenu un véritable père.

*
*   *



Accoudé au bastingage, le Second de l'Amélia semblait plus s'intéresser au port qu'à la manœuvre dirigée par le Capitaine. L'équipage était des plus expérimentés, et n'avait guère besoin qu'il intervienne. Ce qui ne l'empêchait pas de s'assurer que chacun accomplisse bien sa tâche.

Une épée longue pendait désormais à son flanc, même s'il avait conservé une certaine prédilection pour les dagues. Plusieurs étuis répartis sur sa tenue mêlant cuir et métal attestaient d'ailleurs de son penchant pour le combat rapproché. Car si l'Amélia revenait d'un voyage commercial en Ynystère, le fier cutter eznéen n'avait pour autant rien d'un bâtiment dédié au négoce. Ses huit canons en attestaient amplement, lui conférant une puissance de feu redoutable. Alliés à sa vitesse et à sa manœuvrabilité, ils en faisaient le navire idéal pour mener des Courses, comme une jonque harani avait pu le découvrir à ses dépens lors du voyage de retour.

Les cales étaient pleines de merveilles exotiques venues de Haranya. Certaines achetées à Caernod, d'autres... en provenance des soutes du vaisseau ennemi. Les pertes avaient été limitées, d'un côté comme de l'autre. Les Haranis n'avaient pas tardé à se rendre une fois le petit groupe d'abordage mené par Aerrion à leur bord, et les corsaires du Capitaine Keane n'avaient rien de pirates. Leur objectif se limitait à la cargaison, non à verser inutilement le sang.

A mesure que le navire approchait du quai, le regard pers détaillait les silhouettes qui se tenaient sur celui-ci avec une impatience non feinte. Il savait exactement ce qu'il cherchait. Comme toujours, Amélia serait là, le sourire aux lèvres et le regard enchanteur. Et à ses côtés se tiendrait Rose... leur fille. Comme toujours, l'enfant se précipiterait dans ses bras, et il la soulèverait du sol avant de lui offrir ce qu'il avait rapporté à son attention. Et comme toujours, elle s’extasierait en écoutant les histoires de son père et de son grand-père, sous le regard amusé de sa mère.

Il baissa les yeux sur le jouet mécanique qu'il tenait entre ses mains. Les Haranis étaient décidément de merveilleux ingénieurs, capable de réaliser de véritables prouesses technologiques. A n'en pas douter, sa fille adorerait le lion miniature. Il pouvait marcher et poussait même de petits rugissements qu'elle trouverait, assurément, adorables. Souriant, il reporta son attention sur les quais en quête des deux femmes de sa vie.

Ses yeux accrochèrent une silhouette des plus familières. D'habitude, elle préférait les attendre dans la demeure familiale. Eyrin, la fille cadette du Capitaine Keane. Elle avait toujours affiché à l'égard d'Aerrion une certaine distance, voire une certaine froideur, sans qu'il en comprenne véritablement la raison. Et l'annonce de son mariage avec sa sœur n'avait guère arrangé les choses. Mais les années avaient passé, et une entente cordiale régnait entre eux....

Préférant de loin la terre à la mer, elle n'avait guère la vocation d'un marin. Tout comme sa sœur, d'ailleurs, et ce au grand dam de leur père. Mais leur rôle dans l'affaire familiale n'en demeurait pas moins crucial, car elles géraient les finances de la famille et le négoce à terre. Eyrin était même parvenue à obtenir une dérogation leur permettant de demeurer dans la Cité, ce en dépit de leur statut. Assurément, quelque noble influent appréciait grandement l'exotisme des biens rapportés par l'Amélia.

Vêtue de vêtements sombres, Eyrin regardait le navire qui accostait. Un bruit sourd retentit lorsque les marins lâchèrent la planche de bois qui servirait de passerelle pour débarquer. Aerrion détaillait sa belle-sœur, une angoisse sourde montant en lui. Leurs regards se croisèrent. Elle baissa aussitôt les yeux. Et il sut. Une chape de plomb tomba sur ses épaules. La bile remonta à sa gorge. L'air se fit rare dans ses poumons. Il suffoquait. Puis tout s'arrêta. Une main puissante reposait sur son épaule. Il se retourna. Les prunelles azurs de son Capitaine étaient embués de larmes. Lui. Le fier Capitaine. L'impénétrable roc. Son mentor. Les deux hommes se regardèrent longuement, sans rien dire... A quoi bon ?

Un bruit attira son attention. Le jouet qu'il avait lâché sans s'en rendre compte coulait, lentement, dans les eaux du port d'Ezna. Et, avec lui, sombrait lentement son existence...
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Trystiel




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MessageSujet: Re: Les Contes de Grism   Les Contes de Grism EmptySam 12 Sep - 11:32

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Ce n'était pas la douceur ou la chaleur d'un rayon de soleil qui le tira du sommeil, mais bien son aveuglante lumière. Perçant à travers les volets de bois vermoulu, l'astre semblait bien décidé à le tirer de son sommeil sans rêve pour le ramener à une réalité qu'il se plaisant pourtant à fuir. L'homme se redressa sur sa paillasse, passant une main sur ses traits recouverts d'une barbe de plusieurs jours. Le jour était levé, sans doute depuis des heures. Autant pour le départ du navire à l'aube. Il allait encore être bon pour subir les remontrances du Capitaine, mais qu'importait à présent. Une année s'était écoulée, et il n'était guère plus que l'ombre de lui-même.

Il se leva, faisant rouler au pied du lit le cadavre de la bouteille qui lui avait si bien tenu compagnie la veille. Il ouvrit un placard pour en attraper une nouvelle, portant le goulot à ses lèvres pour boire une large rasade de rhum. Il n'y avait guère de meilleur remède au réveil pour interrompre le travail du forgeron qui s'échinait à marteler son enclume... à l'intérieur même de son crâne.

Il enfila tant bien que mal ses vêtements, ne prenant pas même garde à l'odeur qu'ils dégageaient. Nouvelle source de reproches pour son beau-père, si attaché à la bonne tenue du navire et de son équipage. Mais il faisait bien son travail de second, cela personne ne pouvait le lui reprocher. Il était sans nul doute la meilleure lame du bord, et le plus avide de verser le sang. Ou peut être n'étais-ce là qu'un moyen de chercher à fuir cette existence ? Les Nuiens étaient réputés pour ne pas redouter la mort, mais lui semblait l'appeler avec la même rage que celle dont il faisait preuve au combat. Qu'avait-il à perdre, désormais ?

Ses bottes connaissaient bien le chemin menant de la chambrette qu'il louait au port. Il avait quitté la demeure familiale, ne supportant plus de demeurer avec les fantômes omniprésents de son épouse et de sa fille. La maladie les avait emportées sans qu'il soit présent. Il n'avait pu leur faire ses adieux. Mais ils les retrouverait, tôt ou tard. Lorsque son heure serait venue. Ce n'était pas par lâcheté qu'il refusait de se donner la mort. Bien au contraire, en un sens il trouvait chaque jour un vague reste de courage pour se lever et poursuivre son existence.

Les quais. Encore quelques minutes et il pourrait monter à bord. Et dire qu'il était à l'initiative de cette mission... De son vivant, son épouse avait à cœur d'aider les Serfs, jugeant inadmissible les conditions dans lesquelles ils vivaient. Dans la plus grande discrétion, il lui arrivait parfois de détourner quelques marchandises au profit de serfs en fuite. Aussi, lorsqu'un ancien contact de la défunte était venu le trouver pour solliciter son aide, il n'avait pu lui dire non. Il avait donc convaincu le Capitaine Keane d'utiliser l'Amélia pour transporter des biens de contrebande jusqu'à une petite communauté de serfs libres. Rebelles, si l'on en croyait les lois du Royaume des Deux Couronnes. Eyrinn s'y était opposée, arguant qu'il pouvait être dangereux de risquer le navire dans une telle entreprise. Leurs relations s'étaient plus encore dégradées depuis la mort de sa sœur, la jeune femme ne cessant guère de le rabaisser en jugeant sa conduite indigne d'un Second, et plus encore d'un membre de la famille.

Un marin lourdement chargé faillit bousculer Aerrion, qui l'esquiva au dernier moment. Tiré de sa rêverie, l'homme leva les yeux pour s'arrêter, interloqué. En lieu et place de l'Amélia se trouvait un vaisseau marchand dont l'équipage était occupé à décharger de lourdes caisses sur le quai. Il se tourna en tous sens, son regard pers en quête de la silhouette si familière du navire. Mais il devait rapidement se rendre à l'évidence : ils ne l'avaient pas attendu. Le fier cutter Eznéen avait mis les voiles, sans attendre un Second éternellement en retard...

*
*   *


Avachi plus qu'assis sur sa chaise, Aerrion leva son verre, les yeux perdus dans le vide. La salle enfumée de la taverne était comble, nombre de marins venant dépenser leur solde dans l'établissement qui ne payait pas de mine. Murmurant, il porta un dernier toast à la mémoire de son mentor. De son capitaine.

L'Amélia était rentré au port quelques jours plus tôt, porteuse de sombres nouvelles. La livraison s'était avérée n'être qu'un piège. Les Serfs avaient tenté de s'emparer du navire, et plusieurs membres de l'équipage avaient trouvé la mort. Leur Capitaine était parvenu à les sortir de ce traquenard, mais une flèche avait mis un terme à sa prestigieuse carrière. Et, une fois encore, Aerrion n'était pas là. Une fois encore, la mort lui avait ravi ceux qu'il aimait. Heureusement, il lui restait encore l'Amélia...

Vidant son verre d'un trait, il le reposa sur la table de bois brut dans un claquement sec avant de se lever. Jetant sur son épaule son sac de marin, il sortit du bouge sordide qui se faisait appeler taverne et prit, comme à son habitude, le chemin des quais. Mais le pont du fier cutter eznéen n'était pas vide. Sa belle-soeur l'attendait, encadrée par deux vétérans de l'équipage. De solides gaillards, dont la loyauté à l'égard du défunt Capitaine avait toujours été sans faille. Les commander serait un honneur, à n'en pas douter.

Eyrin le toisa du regard tandis qu'il gravissait la passerelle. Son caractère fougueux se lisait sur ses traits aussi facilement qu'un livre ouvert. Et le mélange de colère et de chagrin qu'elle ressentait était des plus évidents. Il approcha, s'apprêtant à demander les raisons de sa présence ici. Mais elle le devança.

    « Comment oses-tu venir ici ? Qui t'a permis de monter à bord ?- Tu sais qu'il voulait que le navire me revienne. Que je lui succède comme Capitaine.- A une époque, sans doute. Avant que tu ne deviennes un ivrogne doublé d'un incapable. Jamais il n'aurait du te tirer de la fange où il t'a trouvé !- L'Amelia me revient...- Jamais. Tu as provoqué sa mort, tu ne mérites même pas de mettre un pied à son bord. Ma pauvre sœur ne...- Ne parle pas d'elle ! »


Les traits déformés par la rage, Aerrion fit un pas vers Eyrinn, s'apprêtant à frapper. Une poigne ferme retint son bras. Il tourna la tête vers le marin qui le retenait tout en le toisant avec mépris, avant de reporter son attention sur sa belle-soeur. Droite, celle-ci le défiait de son regard azuréen. En cet instant, sa ressemblance avec sa sœur était frappante. Tout comme avec son père. Retrouvant la raison, l'homme recula d'un pas. Son interlocutrice avança aussitôt.

    « Je ne veux plus voir ta face d'ivrogne dans les parages, et ne remets jamais les pieds sur ce navire. Tu fais honte à son ancien Capitaine, tout comme à ma sœur. »


Aerrion baissa les yeux. Il se détourna, s'apprêtant à regagner la passerelle. Il était submergé par un maelström d'émotions contradictoires mais, au fond de lui, il savait qu'elle avait raison. Et c'était bien là le plus douloureux. Et le plus difficile à admettre. Non, elle l'avait toujours rejeté. Détesté. Ce n'était pas sa faute... Ce n'était qu'un prétexte pour elle...

    « Attends. Le trimaran, remets moi le parchemin. »


Il s'arrêta net. Sans même se retourner, d'une voix presque dénuée d'émotion, il répondit.


    « C'était un présent d'Amélia. Il m'appartient.- Tu n'en es pas digne. Vous deux, reprenez le lui. »


Les deux marins qui encadraient désormais Aerrion firent un pas dans sa direction. Relevant légèrement la tête, son regard acéré sembla les traverser de part en part.

    « Touchez moi... et vous mourrez. »


Les deux hommes connaissaient bien l'ancien second, et ils ne l'avaient que rarement vu ainsi. Ils reculèrent d'un pas, le laissant passer tandis qu'il empruntait la passerelle de l'Amélia pour la dernière fois...
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Trystiel




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MessageSujet: Re: Les Contes de Grism   Les Contes de Grism EmptySam 12 Sep - 11:41

La nuit était fraîche, un changement agréable après l'écrasante chaleur de la journée. Les hommes finissaient leur repas, quelques pièces de gibier savamment épicées, autour du feu de camp. Le firmament brillait de tous ses feux, illuminant de sa beauté le petit campement et ses environs. Trois tentes entouraient le pavillon principal où demeurait Lorenzo Trieste, le meneur de cette expédition en plein cœur du continent Haranya. Aventurier expérimenté, le noble était déterminé à braver les dangers de la région afin de rapporter plantes et animaux exotiques qui, assurément, lui garantiraient un succès notable à Marianople. Les jeunes filles de la noblesse savaient apprécier son profil racé et ses histoires empreintes de mystère et d'exotisme. De quoi amplement compléter son second tableau de chasse, déjà fort bien rempli.

Assis près des flammes, Aerrion terminait son quart de rhum tout en écoutant d'une oreille distraite les histoires et plaisanteries grivoises de ses compagnons d'aventure. Au service de la Maison Trieste depuis plusieurs années, les trois hommes d'armes n'en étaient pas à leur première expédition en territoire hostile. Quant à lui... C'était bien une première, mais avait-il le choix, désormais ? Déchu de ses droits à commander l'Amélia, sans même une lettre de recommandation en poche, aucun Capitaine n'avait voulu de lui comme Second et il était trop fier pour accepter de gravir à nouveau les échelons.

Il vendait désormais ses talents comme lame, complétant à l'occasion ses revenus de quelques menus larcins voire de contrebande. Lorenzo Trieste l'avait engagé comme éclaireur et traqueur, se fiant à sa réputation d'homme discret, capable de rapporter certaines marchandises fort rares de l'autre Continent. Malgré sa méconnaissance de la région, il n'en tenait pas moins son rôle et avait rapidement gagné le respect des autres soldats. A plusieurs reprises, sa maîtrise des ombres et son regard acéré leur avait permis d'éviter la fin prématurée de leur expédition. Voire de leurs existences.

Une certaine agitation à la lisière du campement interrompit net le verbiage en cours. Deux des gardes en faction autour du camp se dirigeaient vers le pavillon central, traînant tant bien que mal une Firran. Furieuse, celle-ci se débattait de toutes ses forces, mais ses griffes ne faisaient qu'égratigner les armures de cuir bien entretenues. Sourds à ses feulements rauques, les vétérans ne semblaient pas s'en laisser pas conter si facilement, la conduisant d'une poigne ferme.

Revêtu d'un simple pantalon de coton vert, Lorenzo Trieste sortit de la grande tente, exposant fièrement aux yeux de ses hommes son torse huilé dont la musculature était celle d'un guerrier fort bien entraîné. Et dont il n'était pas peu fier, ne manquant que rarement l'occasion de l'exposer. Ses longs cheveux blonds étaient noués en un catogan à la fois pratique et qui mettait en valeur ses traits fins. Ceux-ci ne trahirent nulle émotion lorsque ses yeux d'un bleu profond se posèrent sur son « invitée ».

Elle devait avoir au plus treize, peut être quatorze ans. Vêtue d'habits simples, dans les tons bruns, sa fine fourrure dorée était toute hérissée. La besace qu'elle portait au flanc, maintenue par une lanière de cuir accrochée à son épaule, révélait sans peine son contenu : diverses herbes et fleurs, fraîchement cueillies.

    « Seigneur ! Nous avons trouvé une espionne qui furetait autour du camp.

Apeurée, l'intéressé avait cessé de se débattre, observant l'homme qui la dévisageait à présent. Colère et peur s'entremêlaient dans ses prunelles améthyste. Elle lâcha quelques mots, rapides, que nul ne comprit. Mais cela ne devait guère être aimable, à n'en point douter.

    « Ce petit chaton est tombé loin de sa portée, semble-t-il. Voyons voir cela... »

Joignant le geste à la parole, l'explorateur tendit la main, comme pour toucher son visage. Poussant un cri de rage, elle parvint à dégager l'un de ses bras et le frappa avec la vivacité d'un faucon. Mais l'homme était rapide. Se penchant en arrière, il écarta son visage... mais pas assez vite. Les griffes l'effleurèrent. Une perle de sang glissa le long de sa joue, lentement.

Sans mot dire, il leva son index pour venir recueillir le précieux liquide, qu'il porta à ses lèvres sans quitter la Firran des yeux. Son rire retentit. Mais il n'avait rien de joyeux. Encore moins d'amical.


    « Amenez la sous ma tente. Je vais m'occuper de la mater comme il se doit ».

Les deux hommes obtempérèrent aussitôt, la traînant sous le pavillon de toile tandis qu'elle se débattait de plus belle. Sans succès. Le Trieste les suivit, un étrange sourire flottant sur ses lèvres carmin. Ses gardes ne tardèrent pas à sortir, avant de repartir à leurs postes.

Le campement retrouva le calme. Un calme étrangement silencieux, seuls les bruits provenant de la tente du chef de l'expédition troublant désormais la quiétude de cette si belle nuit. Des claquements secs, à intervalles réguliers, ponctués de cris où se mêlaient rage et douleur. Nul ne semblait vouloir y prendre garde. Encore moins s'y intéresser. Un silence presque pesant régnait à présent autour du feu, les vétérans se contentant d'observer la danse des flammes.

Aerrion finit par délaisser l'observation du liquide ambré dans son quart. Son regard pers parcouru le campement. Un garde sortit de la tente où il se reposait. Anton, le plus jeune de l'expédition. Il vint s'asseoir près du feu, son luth à la main. Ses chants agrémentaient habituellement les soirées de l'expédition, mais cette fois il semblait vouloir plutôt couvrir d'autres sons. Les claquements cessèrent. Mais pas les cris. Leur nature toutefois n'était plus la même. La terreur supplantait désormais la douleur...

Grismantel se redressa, et vida le peu qui restait dans le feu. Des flammes vives s'élevèrent soudain, sous le regard médusé de ses compagnons. D'un pas vif, il marcha vers le pavillon. Il écarta la tenture qui le fermait, avant de s'y engouffrer sans hésitation aucune. Seul un brasero éclairait la scène. Dénudée, la Firran était recroquevillée contre l'un des piliers soutenant la toile de la tente. Une cravache à la main, Lorenzo lui faisait face. Rapide, il se retourna pour voir qui osait le déranger sans y avoir été invité.

Sa mâchoire heurta durement le poing ganté de cuir de Grismantel. Sans attendre, le mercenaire frappa de nouveau, cette fois au ventre. Le souffle coupé, le noble s'écroula au sol, inconscient. Médusée, la Firran regardait les deux hommes, muette. Aerrion défit le fibule qui maintenait sa cape, avant de la lui lancer. Elle ne se fit pas prier, se couvrant de l'épais tissu gris.

Il l'observa quelques instants avant de sortir de la tente, sa protégée sur ses talons. Voyant cela, les gardes se levèrent et portèrent la mains aux gardes de leurs armes. L'un d'entre eux s'avança vers l'étrange duo. La Firran se blottit dans le dos de celui qui était venu à son aide.

    « Du calme, Grism, lâcha l'un des vétérans d'une voix posée. Écoute... Tu fais une grosse connerie mon gars. Mais t'as encore bu un coup de trop, on arrivera à faire passer ça demain, tu verras... »

Sans répondre, l'intéressé tira la lame qui pendait à son côté. Les trois vétérans se placèrent en demi-cercle, tandis qu'Anton, hésitant, demeurait près du feu, ne semblant guère savoir dans quel camp se ranger. La voix d'Aerrion se fit enfin entendre, dangereusement calme.

    « Vous avez deux solutions. Tenter de m'arrêter, mais certains d'entre vous y laisseront la vie. Puis vous mourrez tous, lorsque son Clan vous retrouvera. Ou alors vous nous laissez passer, et priez pour que les Firrans vous laissent en paix. »

Ses paroles firent mouche. Ces hommes savaient que de tous les dangers de la région, la colère d'un Clan Firran n'était pas le moindre. Hochant légèrement la tête, ils s'écartèrent pour les laisser passer...

L'insolite duo s'éloigna rapidement du campement. Il était peu probable que Lorenzo s'éveille avant l'aube, mais mieux valait mettre la plus grande distance possible entre eux et le campement. A n'en pas douter, grande serait sa colère. Aerrion pouvait dire adieu à la récompense promise, mais peu importait. L'inimité de la famille Trieste était plus grave, mais il saurait faire avec.

L'aube pointant à l'horizon lorsqu'enfin ils firent halte. La jeune Firran regarda longuement Aerrion avant de se désigner du doigt, puis de désigner une direction. L'homme acquiesça lentement. Il devait désormais se diriger vers la mer, une toute autre direction qu'il montra à sa tour. La Firran sourit, avant de s'incliner. Elle dit quelques mots dans sa langue, peut être un remerciement ? A moins qu'il ne s'agisse d'un adieu ou d'un souhait de bonne fortune ? Il hocha simplement la tête. Il allait tourner les talons lorsqu'elle s'approcha de lui. Posant une patte sur son bras, elle se hissa sur la pointe des pieds pour poser un baiser sur sa joue.

Il haussa un sourcil, avant d'esquisser un sourire. Le premier depuis bien longtemps. Elle le lui rendit, le regard rieur, avant de se détourner et de partir, probablement en direction de son Clan. Songeur, Aerrion la regarda s'éloigner avant de se remettre en route. Il lui faudrait bien deux jours de marche avant de rejoindre la côte. De là, il n'aurait plus qu'à invoquer son trimaran pour rentrer et faire profil bas, le temps que les choses se tassent et que le Trieste l'oublie. Ou tout du moins qu'il passe à autre chose.

*
*   *


C'est un poids sur sa poitrine qui le tira du sommeil. Épuisé  par cette longue marche nocturne, il avait fini par trouver un coin abrité pour prendre quelques repos avant de poursuivre son chemin. Les yeux fermés, il rassemblait tant bien que mal ses esprits encore embrumés par le sommeil. Et les quelques rasades de rhum qu'il avait prises dans sa flasque de secours, celle qu'il gardait toujours dans sa botte, près d'une dague.

Le Trieste l'aurait-il déjà retrouvé ? Non, cela semblait fort peu probable. La Firran avait pris grand soin de masquer leurs traces. Plus probablement, il s'agissait d'un animal et, avec sa chance habituelle, il ne devait probablement pas s'agir d'un simple herbivore. Lentement, feignant toujours de dormir, il approcha sa main de sa ceinture pour s'emparer de son couteau de chasse.

Un léger ronronnement lui fit entrouvrir les yeux. Deux grands yeux mordorés le fixaient. Les pattes antérieures de l'animal s'animèrent, faisant alternativement pression sur sa poitrine comme s'il cherchait où se trouvaient ses points faibles. Il ouvrit les yeux complètement, à présent bien réveillé Le lionceau des neiges tendit sa patte vers son visage, l'effleurant à peine. Aerrion lâcha un rire nerveux, faisant légèrement reculer l'animal à la fourrure azuréenne. Délaissant le fourreau de la dague, sa main vint le caresser. La créature ronronna de plus belle, sa tête venant se lover dans le creux de sa main en quête d'affection.

Le mercenaire se redressa légèrement. Il n'y avait rien aux alentours, si ce n'est un sac, orné de quelques plumes de faucon. L'animal gronda légèrement, réclamant son attention. Il reprit les caresses, tout en tendant la main pour ouvrir le sac. Un sourire amusé se dessina sur ses lèvres : visiblement, il avait désormais de quoi nourrir le lionceau plusieurs jours durant...
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