Sylmerya, le coeur de l'arbre gardien

Messages : 17 Date d'inscription : 23/03/2015 Age : 50 Localisation : Trouyonnax

Savez vous que les étoiles aussi, meurent ?
Cela leur prend le temps de milliers de vies d’homme mais ça arrive quand même.

C'est ce qui est arrivé à Sylmerya, une étoile si lointaine que sa lumière ne pouvait être vue que les soirs de nuit sans lune, quand l'air est si clair et si pur que la voûte céleste révèle les plus timides de ses trésors.
Peu avant qu'elle ne s’effondre, un petit éclat se détacha d'elle et emporta avec lui un peu de sa lumière.
Il voyagea à travers l'immensité de l'univers si longtemps que les plus anciennes des étoiles avaient oublié l’existence de Sylmerya.
Le temps et l'espace le débarrassèrent de sa gangue grisâtre, ne laissant de l'étoile originelle qu'un diamant vert.

Le cristal de son cœur était si pur qu'il apportait la richesse et la prospérité à quiconque laissait perdre son regard dans le chatoiement irisé de son scintillement.
Partout où il passait, il apportait sa douceur. Son enthousiasme était si communicatif qu'il faisait sourire même les plus grincheux des astres.
Tantôt à faire la course avec les étoiles filantes, tantôt à jouer à cache cache dans les champs d'astéroïdes, il était curieux de tout et explorait l'univers en laissant derrière lui le souvenir de son éclat fascinant et son incroyable joie de vivre.

Plus le temps passait et plus Sylmerya devenait intrépide et aventureux. C'est ce qui le fit s'écraser sur notre monde.
Un virage mal négocié entre deux lunes et le voilà enfoui dans le sable d'un désert.
Loin d'être effrayé de sa mésaventure, il éclata de rire, dardant ses rayons joyeux autour de lui, réveillant les plantes et les animaux, faisant scintiller les mers et les rivières.

Mais ce que Sylmerya n'avait pas prévu c'est qu'une fois stoppé dans son élan, il ne pourrait plus repartir.
Cependant, fasciné par cette profusion joyeuse et enthousiaste de vie autour de lui, il se mit à rayonner à tout va comme pour participer à la magie ambiante.
Cela attira de nombreux êtres vivants qui passaient des heures à le contempler, comme envouté par le feu que renvoyait le cristal vert tombé du ciel.
Le diamant mit longtemps à réaliser qu'il était prisonnier de notre terre mais nourrit de la joie que diffusaient les être autour de lui, il n'avait plus envie de repartir.

Sa lumière et sa bienveillance furent bientôt connu de tous si bien qu'on le nomma le "Diamant Porte Bonheur".
Sa renommée traversa les mers et les continents. Tous voulaient le voir, l'approcher, le toucher.
Sylmerya, toujours enthousiaste et profondément optimiste ne perçu pas le changement dans les cœurs autour de lui.
On le mit sur un piédestal, on le tailla pour qu'il scintille plus encore, on le para d'or.
On le mettait au cou des jeunes mariées pour leur assurer un bonheur éternel, aux sceptres des Rois pour leur promettre un règne prospère.

Puis, lentement, imperceptiblement, comme le jour devient nuit, les chants devinrent des cris de guerres.

La joie devint larmes.

On l'enferma dans des salles qui devenaient de plus en plus sombres et silencieuses.
On le portait pour se protéger ou s'assurer une victoire, s'attirer la fascination des foules.
Son piédestal devint un écrin de soie que l'on referma sur lui. Il passait de main en main. On le volait pour mieux le cacher encore.

Le Diamant rayonnait toujours plus, tentant de faire comprendre aux hommes qu'il avait assez de lumière pour que chacun puisse en profiter mais cela rendait les hommes plus avides et possessifs encore.
Parfois, Sylmerya disparaissait, emporté par le naufrage d'un vaisseau qui le transportait ou trop bien caché par une secte qui voulait le protéger.
D'autre cherchaient à protéger le monde des désastres engendrés par la convoitise qu'il suscitait car ceux qui le voulaient ne reculaient devant aucun massacre, semant le chaos et la désolation sur leur passage.

De vénéré, il devint craint.

D'adulé, il devint haït.

Autrefois Porte Bonheur, il devint Maudit.

Privé de la joie des gens sa lumière se tarit et les siècles l'oublièrent de nouveau. Seuls de rares initiés connaissaient encore la légende du diamant venu des étoiles.
Plus rares encore étaient ceux qui pouvaient prétendre l'avoir vu.
Les générations se succédèrent encore et encore, les années défilèrent et la soie de son écrin devint poussière. Sylmerya n'avait plus personne à rendre heureux.

La colère du sang et de la désolation qu'il percevait autour de lui teintaient d'ombre sa transparence cristalline.
Pourquoi rendre les gens heureux si c'était pour qu'ils s'entretuent ?
Persuadé que les hommes étaient foncièrement mauvais il décida de rester caché.
Mais c'était sans compter sur l'intervention d'une pie taquine qui tomba sous le charme de ses reflets irisés et l'emporta pour décorer son nid.
Le scintillement du diamant dans les rayons du soleil couchant attira l'attention d'un aigle et la pie dû lâcher son précieux butin pour pouvoir échapper au serres du prédateur.

Sylmerya tomba.

Sa chute se termina dans les méandres des branches d'un vieux cèdre mourant. Rebondissants et glissant, il se nicha au cœur de l'arbre.
Le cèdre, malgré son état et sentant la détresse du petit bout d'étoile referma sur lui ses frondes protectrices, lui assurant un cocon de paix où les hommes ne pourraient plus l'atteindre.
La terre où il était planté était si pauvre, l'environnement tellement désolé que le diamant se demandait comment l'arbre avait bien pu survivre dans ces conditions.

C'est alors qu'il vit une petite fille approcher. Elle avait porté un seau d'eau sur des kilomètres pour l'apporter jusque là.
Sylmerya se rendit compte que la petite venait chaque jour pour arroser l'arbre, elle lui racontait ses joies et ses peines, jouait autour de lui et riait.
Elle grimpait dans ses branches pour admirer les oiseaux ou les papillons. Parfois elle le prenait dans ses bras pour l'encourager avec ses mots d'enfant à ne pas se laisser mourir.

La fillette devint femme mais lui resta fidèle. Toujours caché dans les replis du tronc, Sylmerya observait, attentif.

Échaudé par l'avidité des hommes, il cherchait à déterminé ce que la femme attendait du cèdre.
Au fil du temps, il dû se rendre à l'évidence et accepter que l'étrange complicité entre l'arbre et elle n'était motivée par aucune convoitise.
Mais un jour, elle manqua sa visite, puis un autre jour et encore un autre. Le diamant sentait l'arbre faiblir mais il ne pouvait rien faire pour l'aider.

Alors qu'il allait céder au désespoir et à la colère, la femme revint enfin, portant contre elle quelque chose, lové dans un grand linge.
Elle s'excusa pour son absence et présenta le bébé qu'elle avait mi au monde. Le temps de prendre soin du cèdre, elle installa le nourrisson dans le replis d'une racine.

L'enfant se mit à pleurer.

Pour le consoler Sylmerya fit chatoyer ses rayons. La petite se mit à rire et à gazouiller, gigotant joyeusement dans ses langes.
Ce fut comme un baume pour le diamant. Comme l'eau que la jeune femme apportait à l'arbre, le rire du bébé redonna vie au petit éclat d'étoile.
Le temps passa de nouveau, chaque jour la jeune femme venait accompagnée de sa fille.
Adossée au cèdre elle chantait et racontait des histoires à la petite qui grandit à l'ombre protectrice du grand arbre.
Plus tard elle prit la relève de sa maman pour le soigner, gardant cette complicité avec lui comme héritage.

De générations en générations, les femmes de cette famille se transmirent la protection du cèdre pour qu'il ne meure jamais.
Il faisait partie de la famille, il était leur confident, leur ami, leur protecteur. Elle l'appelaient, l'Arbre Gardien.
Elles découvrirent l'existence du diamant mais loin de les rendre avides, elle se firent encore plus respectueuses surnommant la pierre "Cœur", le protégeant comme elles le faisaient pour leur précieux cèdre.

Nourrit de ce don de soi, Sylmerya rayonnait de nouveau, sa lumière rendit la vie à l'arbre qui redevint vert et fort.

D'autres poussèrent autour de lui puis des fleurs et toutes sortes de plantes. En quelques vies d'homme, le désert devint une forêt luxuriante et joyeuse.

On raconte qu'il y a, quelque part, un grand arbre couvert de fleurs qui cache au creux de ses branches un joyaux scintillant de la taille d'un poing de guerrier.

On raconte aussi qu'apporter de l'eau à cet arbre procure chance, santé et prospérité mais que tenter d'arracher ce cœur attire le mauvais œil.